Intervention de George Arthur Forrest lors du DRC Agribusiness Forum
Actif dans le secteur agro-alimentaire avec GoCongo, Monsieur George Arthur Forrest, Président de l’entreprise, a participé au DRC Agribusiness Forum à Kinshasa, le mercredi 4 octobre 2023.
Retrouvez ci-dessous l’intégralité de son intervention :
ALLOCUTION PRONONCEE PAR M. GEORGE A. FORREST, PRESIDENT DE GOCONGO,
A L’OCCASION DU FORUM INTERNATIONAL DE KINSHASA
SUR L’AGRO-ALIMENTAIRE – 4 OCTOBRE 2023
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de prendre part à ce Forum international sur l’agro-alimentaire qui est une importante rencontre qui vient à son heure.
En effet, par les enjeux nationaux et continentaux qui y sont attachés et traités, il est indéniable que ce rendez-vous a vocation à faire émerger des idées et des propositions pour la transformation des économies africaines à un moment crucial de la marche de notre continent vers une meilleure maîtrise de son destin.
Notre pays, à l’instar du continent africain, reste encore trop dépendant de l’extérieur en ce qui concerne son alimentation, qui est la base de notre vie en société. Nous continuons à importer l’essentiel de ce que nous consommons, et cela a un impact négatif sur notre balance commerciale et sur la promotion d’une industrie locale, notamment agro-alimentaire, qui, comme vous le savez, est un secteur à forte intensité de main d’œuvre.
Mesdames et Messieurs, cette double fragilité devient encore plus évidente lorsqu’un conflit, qui éclate loin de nos frontières et dont nous ne sommes pas partie prenante, a un impact majeur sur notre quotidien.
En effet, l’éclatement de la guerre russo-ukrainienne, à plus de 6 000 km de Kinshasa, a mis des millions d’Africains dans l’insécurité alimentaire, car notre continent importe de Russie et d’Ukraine la moitié de sa consommation de blé. Et n’eut été l’accord d’Istanbul de juin 2022, qui a permis l’exportation de 25 millions de tonnes de graines bloquées en Ukraine grâce à la mise en place de « couloirs sécurisés » en Mer Noire pour les navires marchands, l’Afrique serait exposée à un risque de famine.
L’Afrique est le réservoir mondial de la jeunesse avec plus de 400 millions d’individus âgés entre 15 et 35 ans. Il s’y ajoute que 60 % des Africains ont moins de 24 ans. On le sait, 65 % des terres arables non cultivées du monde se trouvent en Afrique, et malgré tout, le continent importe chaque année des produits alimentaires pour près de 35 milliards de dollars afin de nourrir 1,4 milliards d’habitants dont la plus grande majorité est composée de jeunes de moins de 35 ans.
Mesdames, Messieurs, chers experts et distingués participants, je ne cesse de rappeler un grand paradoxe : l’Afrique a plus de terres que les espaces géographiques qui lui fournissent du blé, du riz, du lait et d’autres denrées. Malgré tout, jusqu’au moment où je m’adresse à vous, un Africain sur quatre est sous-alimenté.
Pour en venir à notre cher Congo, ce pays qui m’a vu naître et grandir, cette terre où dorment mes morts et que je n’ai jamais quittée et que je ne quitterai jamais, il me plaît de toujours rappeler qu’avec ses 2,4 millions de km², il est un continent au cœur d’un continent.
Le Congo, c’est 66% de territoire couvert de forêts et un potentiel hydrographique considérable avec le fleuve Congo qui inonde un espace de 4700 km. Les immenses terres fertiles, la pluie abondante, le soleil en permanence font que le Congo dispose du plus grand potentiel en Afrique pour produire des aliments de haute qualité à faible coût.
Le fleuve Congo, en termes de débit, est le premier sur le plan africain et le deuxième sur le plan mondial, après le fleuve Amazone. Sa disponibilité en eau renouvelable est évaluée à plus de 300 milliards de m³ par an.
Et de surcroît, don inestimable du Ciel, il pleut sur notre pays 9 à 10 mois par an.
Nous sommes le seul pays africain, et un des rares au monde, à voir son territoire s’étaler sur deux fuseaux horaires. Notre pays est traversé par le fleuve Congo, qui figure parmi les plus grands fleuves du monde.
Le Congo, je le rappelle, c’est aussi 80 millions d’hectares de terres arables et environ 100 millions de personnes dont 60 % ont moins de 20 ans. En 2050, nous serons plus de 200 millions, et à la fin du siècle, notre population atteindra 500 millions et le Congo fera ainsi partie des trois pays d’Afrique à compter un demi-milliard d’habitants (avec le Nigeria et l’Éthiopie).
Ces chiffres éloquents prouvent une nouvelle fois que nous disposons de suffisamment de bras pour le travail de la terre. Cette jeunesse urbaine et rurale, qui fait face à des défis colossaux liés à l’éducation et à l’emploi, peut valablement constituer le fer de lance d’une révolution agricole porteuse de croissance, d’emplois, d’inclusion des jeunes et des femmes et d’équité sociale et territoriale.
Mesdames et Messieurs, la République Démocratique du Congo est une terre de très grandes potentialités mais aussi une terre de grands paradoxes car nous avons tout pour tout avoir mais nous n’avons encore rien ou si peu au regard de ce à quoi nous pouvons légitimement prétendre. La faiblesse de notre production alimentaire révèle une situation de crise profonde. Notre pays produit moins de la moitié de la nourriture que nous consommons : plus de la moitié de ce que les Congolais mangent est importée.
Or, il y a moyen d’augmenter drastiquement la production alimentaire nationale, car nous avons presque le même potentiel que celui du Brésil, un pays qui nourrit ses 200 millions d’habitants et qui exporte ensuite pour plus de 50 milliards de dollars de nourriture.
A ce stade de notre marche en avant, et pour prendre notre juste place en Afrique et dans le monde, il est impératif et urgent pour nous de renverser des dynamiques, de déconstruire des schémas inopérants pour ensuite définir les bases nouvelles de notre projet de développement. Et cela va sans dire, mais il faut le dire et le répéter, notre première arme pour ce sursaut vital vers l’émergence est l’agriculture.
Et c’est ainsi que je penche pour le concept de la revanche de la terre sur le sous-sol et, vous en conviendrez avec moi : le sol est bel et bien au-dessus du sous-sol, si vous me permettez ce jeu de mots qui illustre si bien ma profonde conviction sur ce sujet.
Oui, avec ses terres fertiles, ses grands cours d’eau, sa variété climatique, la force des bras disponibles, les innovations dans le digital chez les jeunes, le Congo est d’abord un pays agricole avant d’être minier.
Malheureusement, les rôles ont été inversés après la « zaïrianisation » et surtout après 2006, période durant laquelle les autorités du pays ont ouvert l’exploitation aux creuseurs, ce qui a eu pour conséquence d’attirer une masse de gens vers ces exploitations minières dont le gain rapide n’épargne pas de la précarité à long terme, ni des travers d’une économie de rente et de l’impact nocif sur les sols et le climat.
Cet exode au détriment de l’agriculture pour aller vers les mines a aussi été facilité par le manque d’infrastructures routières et sociales de base et l’extrême pauvreté dans les zones rurales. Les terres du Congo sont riches, très fertiles et encore vierges et elles disposent d’un réseau hydrographique qui, je le rappelle, est le 2ème plus important au monde après le Brésil.
Mesdames et Messieurs, chers compatriotes et distingués invités, habité par l’amour du pays et animé par la mystique du travail, encore aujourd’hui après tant d’années de dur labeur, avec mes partenaires et collaborateurs, je suis toujours désireux de relever de nouveaux défis au service de notre cher Congo.
C’est ainsi que je travaille depuis quelques années sur un immense chantier : le projet GoCongo, dont l’ambition est de contribuer à nourrir 90 millions de Congolais, de lutter contre l’inflation des denrées alimentaires et de s’attaquer à la déforestation. GoCongo est un exemple et peut servir de modèle pour attirer des investissements massifs et diversifiés.
Un secteur privé fort, dynamique et entreprenant est capable d’être un puissant levier pour asseoir les bases d’une nouvelle dynamique du développement. Mais il y a des préalables qui passent par des ruptures audacieuses et par une courageuse lucidité politique dans un esprit de réformes salutaires. C’est ainsi, et dans cette perspective, qu’il faudra nécessairement modifier le Code agricole afin d’attirer les investisseurs et sécuriser leurs investissements. Il en va de même pour la sous-traitance. Les entrepreneurs doivent avoir le contrôle absolu de leurs mises car la crédibilité d’une économie dépend en très grande partie de la confiance qu’elle inspire aux investisseurs.
Vous le savez, il y a au Congo suffisamment de terres pour l’agro-industrie et donc nul besoin de toucher à la forêt qui, si elle est bien préservée, pourra rapporter d’énormes revenus grâce aux taxes sur le CO2. A ce propos, soucieux du climat et de la biodiversité, et conscient qu’un développement ne peut être que durable, dans notre programme, il est prévu de reboiser 250.000 ha.
Mesdames, Messieurs, c’est en entrepreneur doté d’une longue expérience et ayant touché à plusieurs secteurs que je me suis profondément engagé ces dernières années dans le secteur de l’agro-alimentaire. J’ai consolidé mes entreprises agricoles et créé GoCongo pour en faire l’un des leaders de la production alimentaire en RDC.
GoCongo est aujourd’hui le premier producteur alimentaire intégré de la RDC. Pour preuve, dans quelques semaines, nous planterons 4 000 hectares de maïs, que nous moulerons dans notre propre usine et que nous vendrons à plus de 2 500 magasins dans le Grand Katanga sous les marques Twiga et Kila Siku.
Nous sommes aujourd’hui le seul producteur de blé au Congo et allons planter sur 1.000 hectares en juin prochain.
Nous utilisons notre blé pour la production de biscuits à travers la biscuiterie « Relacom » qui commercialise les marques Extra et Baby Food. Et j’ajoute que nous possédons également VAP. Nous produisons actuellement 36.000 tonnes de biscuits et l’année prochaine, par nos investissements supplémentaires, nous allons produire 72.000 tonnes de biscuits par an. Cette production, comme toutes celles de GoCongo, est exclusivement destinée à la population locale.
Nous sommes de loin le plus grand producteur de bétail du Congo, avec un cheptel de 60.000 têtes entièrement BIO disposant de 750.000 ha pour se nourrir naturellement.
Nous avons un parc d’engraissement de 4 000 bovins. Nous fournissons de la viande bovine de haute qualité à plus de 5 000 boucheries, hôtels, restaurants et supermarchés. Et selon nos projections, notre production de viande de 3.500 tonnes en 2023 passera à plus de 20.000 tonnes en 2030.
Nos opérations sont ultra modernes et basées sur les normes internationales les plus élevées et des pratiques agricoles durables. Nous pratiquons un système circulaire avec le son de nos meuneries qui engraisse notre bétail et le fumier de ce bétail permet de réduire l’importation d’engrais.
Aujourd’hui, en 2023, nous sommes fiers que notre production ait permis d’avoir 1.500 camions complets de farine, 1.000 camions de biscuits et 200 camions de viande.
Parce que nos actions et notre stratégie de déploiement rassurent nos partenaires, nous avons obtenu des financements pour développer considérablement GoCongo au cours des années à venir.
En ce qui concerne le maïs, notre déploiement progressif prévoit une augmentation de la superficie de 4.000 hectares en 2023 à 5.000 hectares en 2024 et nous espérons arriver à plus de 20.000 hectares d’ici 2030.
Pour la filière du blé, nous augmenterons notre superficie de production de 1.000 hectares à 3.000 hectares en 2024 et à plus de 10.000 en 2030.
Parce qu’il n’y aucune limite à l’action créatrice pour changer le destin de mon pays, le Congo, nous ajouterons de nouveaux produits à notre portefeuille. Ainsi une raffinerie d’huile de palme rouge locale sera mise en service pour produire de la graisse boulangère pour nos biscuits. Cette matière première jusque-là importée d’Indonésie, alimentera les premières lignes de production locale de mayonnaise et de margarine d’ici l’année prochaine.Nous pénétrons également le marché du bois de construction. Au Katanga, la majeure partie de notre bois de construction est malheureusement importée. « GoCongo » possède de grandes étendues de prairies dans la région de Kamina – les pâturages de Grelka et PHL – et nous avons décidé d’y planter des arbres : bambou et palmiers.
Au total, il est prévu d’exploiter plusieurs centaines de milliers d’hectares dans les dix prochaines années en vue de produire du bois dont notre pays a cruellement besoin et de créer massivement des emplois dans cette région encore sous-développée pour soutenir la stratégie nationale pour la croissance et le développement.
Je me réjouis du rôle majeur que joue « GoCongo » dans l’expansion indispensable du secteur agricole au Congo. Mais il faut que nous allions plus vite et plus loin et que nous élargissions la surface des possibles. Nous ne pouvons être qu’un catalyseur, car notre pays a besoin d’un volume massif d’investissements de divers acteurs pour alléger le Congo du poids des importations, améliorer notre compétitivité et transformer de façon durable notre économie.
Pour ce faire, l’État doit engager des réformes majeures en vue de rendre notre pays plus attractif vis-à-vis de l’investissement privé.
Il est impératif d’avoir un Code agricole incitatif, qui garantisse des titres fonciers à long terme aux investisseurs dans l’agriculture afin de leur permettre d’obtenir un accompagnement auprès des institutions financières.
Notre pays doit également disposer d’infrastructures modernes routières et ferroviaires, afin de permettre l’acheminement rapide et sûr des produits souvent périssables vers les différents marchés de ce vaste pays.
Et finalement, nous avons besoin de conventions d’exemption des investisseurs des droits d’importation sur les équipements et intrants agricoles afin de rendre nos producteurs compétitifs face à la rude concurrence internationale.
J’exhorte par conséquent le gouvernement en concertation avec toutes les parties prenantes, en premier le secteur privé, à adopter un paquet de réformes pour le redressement le classement d’attractivité du Congo, la simplification et la modernisation de son cadre des affaires.
Mesdames et Messieurs, vous l’aurez compris, le sujet sur lequel je m’exprime devant vous me tient particulièrement à cœur. Au cours de ma – longue – vie, j’ai développé, investi et géré de nombreux types d’entreprises, mais jamais je n’ai été à ce point convaincu et enthousiasmé par un projet.
Chez « GoCongo », nous allons de l’avant et nous espérons sincèrement que cela contribuera au développement de notre production alimentaire locale et à la formulation d’une réponse concrète aux besoins de notre pays en croissance rapide pour lutter efficacement contre le chômage et la crispation sociale.
Mesdames et Messieurs, pour clore mon propos introductif et avant de laisser mes partenaires et collaborateurs répondre à vos questions pour aller plus en profondeur, je voudrais ici et maintenant, haut et fort, redire une ambition que je porte au plus profond de moi et qui m’anime tous les jours en me donnant espoir et force d’entreprendre.
Je parle du haut de mon âge mais aussi du haut d’une expérience riche parce que diverse et variée. Mon expérience est certes riche de ses succès mais surtout de ses échecs sur une longue route qui n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.
Mais de mon père Malta Victor Forrest qui, au cœur du Katanga, il y a juste un siècle, avait jeté les bases du Groupe Forrest International, de ce père travailleur infatigable qui m’a donné la terre, la sueur et l’amour du Congo, j’ai appris que l’échec est la mère du succès.
Mesdames et Messieurs, j’ai fait un rêve devenu une ambition qui s’est prolongée dans un objectif absolument à portée de main.
Avec mes partenaires et nos équipes, avec les Congolais, je veux ériger une chaîne de valeur « ZERO IMPORTATION », qui ira de la terre aux produits finis localement sans aucune intervention de matières premières étrangères pour prouver au gouvernement et à nos compatriotes que c’est possible de transformer localement le destin de notre pays.
Le Congo peut être auto-suffisant et mon ambition est de faire de notre pays le grenier de l’Afrique.
Entrepreneur dans l’âme, je suis convaincu qu’un pays qui importe ce qu’il consomme ne peut être souverain. J’ai la profonde conviction qu’un pays n’est pleinement indépendant que s’il a son grenier à l’intérieur de ses frontières.
Voilà pourquoi, mes chers compatriotes, je vous invite à unir nos forces pour faire de notre agriculture la vectrice de notre autosuffisance et le socle de notre souveraineté alimentaire.
Je vous remercie.
George A. Forrest
- Partager